Il y a 25 ans : 3615 LUSO

Des spots sur Rádio Alfa, des publicités dans la presse et un article dans Mundo Português annonçaient la naissance de 3615 LUSO, le 10 juin 1996.
Créé par José Guerreiro pour IB Télématic, 3615 LUSO poursuivra son aventure chez Luso Presse.
Luís Ferreira, l'auteur du communiqué dénonçant un licenciement abusif à la TAP, qui déchaînera les foudres de la compagnie portugaise contre Luso.fr, en 2006.
20 ans après le lancement de 3615 LUSO, José Guerreiro poursuit son projet avec Luso.fr. Photo Inès Gambihler.
Né en Algarve en 1958, José Guerreiro est arrivé en France à l’âge de six ans et a passé sa jeunesse en Dordogne – sa région d’adoption. Diplômé de l’école des Beaux-arts de Bordeaux en Communication visuelle et audiovisuelle, il a travaillé dans la publicité et la presse et a créé l’un des premiers programmes de radio portugais dans les années 80, à radio Trait d’Union, à Lyon. Il est marié et père de deux enfants.
Le 10 juin 1996, à l’occasion du Jour du Portugal, de Camões et des Communautés Portugaises, était lancé le service Minitel 3615 LUSO, dont l’objectif était d’informer les Portugais de France, les lusophones et tous les lusophiles.

Au sommaire de 3615 LUSO il y avait des rubriques d’information (actualité, football, etc.) dont la source principale était l’agence Lusa ; un agenda socioculturel ; des bonnes adresses ; des petites annonces ; des dialogues en direct ; un concours primé permettant de gagner deux voyages au Portugal chaque mois, payés par Air France et feu Banco Pinto et Sotto Mayor ; etc.

A l’origine de cette initiative, il y a José Guerreiro, alors chef de produits chez IB Télématic, une société française spécialisée dans les services en ligne (Audiotel et Télématique).

« Je portais ce projet en moi depuis des années, mais ça a été très difficile de convaincre mes employeurs de le développer, personne n’en voyait l’intérêt commercial, les Portugais n’avaient pas de Minitel chez eux, etc. », déclare l’actuel directeur de Luso.fr, qui pendant plusieurs années, va prendre contact avec le monde associatif, des entreprises et les représentations portugaises, dans l’espoir de les convaincre de participer au projet. Mais, en dehors de quelques associations qui se sont montrées réceptives, notamment la CCPF, l’ADEPBA et Cap Magellan – même si ses interlocuteurs avaient du mal à cacher leurs doutes quant à la viabilité d’un tel projet – José Guerreiro va se heurter au manque de vision d’acteurs majeurs de la mouvance lusophone tels que l’ambassade du Portugal, à qui était proposé la création gracieuse d’une rubrique d’information dédiée, ou le centre culturel Gulbenkian.

« L’absence de ces institutions a fini par m’apparaître comme positive car j’y gagnais en liberté d’action : mon projet était davantage militant que commercial, je voulais créer un organe de communication indépendant, dont la liberté de ton ne serait pas remise en cause par les partenaires ou les annonceurs, et qui s’adresserait en langue française aux nouvelles générations » déclare José Guerreiro, qui rappelle qu’à l’époque, « les Portugais de l’étranger n’avaient pas le droit de vote à l’élection présidentielle de leur pays et je voulais contribuer à faire pression dans ce sens ».

Le choix du français s’expliquait par le fait qu’il ne voulait pas faire dans le communautarisme, il fallait que les Français puissent y avoir accès ainsi que les jeunes nés en France, qui ont du mal avec leur langue d’origine. Cette idée a été confortée par le résultat d’une enquête menée par une banque portugaise auprès de ses clients : à la question de savoir dans quelle langue ils préféraient qu’on s’adresse à eux, la grande majorité avait opté pour le français.

Le lancement publicitaire s’est fait avec une campagne sur radio Alfa, dans Mundo Português et dans divers gratuits parisiens, mais le succès de 3615 LUSO sera lent à se dessiner : les spots à la radio ont eu un effet immédiat, mais sans grande rémanence et il a fallu trouver d’autres supports, sponsoriser des événements culturels comme le festival de théâtre de la CCPF, être présent sur les bulletins informatifs de l’Institut Camões, etc.

Pendant plusieurs années, le service Minitel va fonctionner avec un public en constante augmentation jusqu’à l’arrivée de l’Internet : la migration vers le net s’est fait progressivement, mais rapidement le public va croître car contrairement au Minitel, ce nouveau média est accessible sans coût de connexion et son rayon d’action a pour seules frontières celles de la langue française.

Un procès d’un autre temps
En 2006, José Guerreiro va connaître quelques difficultés : convoqué par la police, il apprend que la direction parisienne de la TAP vient de déposer plainte contre lui pour diffamation. En cause est la publication d’un communiqué dénonçant le licenciement abusif d’une employée de la compagnie portugaise. Il sera mis en examen avec l’auteur du communiqué, Luís Ferreira, un syndicaliste portugais.

Ce fut un moment difficile : il a fallu organiser la défense, prendre un avocat – en l’occurrence l’excellent Antoine Comte – mais le plus insupportable a été le silence du monde associatif portugais, inquiet de perdre le principal sponsor de ses sardinades géantes ou de ses concours de Suéca ; le silence de la presse française ; celui de l’Agência Lusa. Seuls les gratuits portugais, contre qui José Guerreiro a parfois la dent dure, ont daigné publier ses communiqués de presse.

Le directeur de Luso.fr gagnera son procès contre la compagnie portugaise, qu’il jurera de ne plus jamais prendre de sa vie, faisant sien le slogan anglais Take Another Plane.