Paulo Rocha

Du 10 janvier au 1 février 2018

« Un plan simple est un plan simplement difficile »

Paulo Rocha fut assistant de Jean Renoir, puis de Manoel de Oliveira, avant de réaliser deux films : Les Vertes années en 1963 et Changer de vie en 1965, qui firent entrer le cinéma portugais dans une nouvelle ère. Après des années de silence, il revient, avec L'Île des amours en 1982 et Les Montagnes de la Lune en 1987, deux films témoignant d'une fascination pour le Japon et son histoire. Il a aussi consacré deux films à des cinéastes, Manoel de Oliveira et Shohei Imamura. Avec Le Fleuve d'or, en 1998, il signe une sorte de tragédie qui puise à la source de diverses formes de récits tout autant qu'un singulier opéra sensoriel et sensuel. Paulo Rocha aura été un cinéaste rare et secret, auteur d'une œuvre stylisée et contemplative, cosmique et panthéiste, documentaire et discrètement lyrique.

« Sentant que la vie me manque, je suis un peu vampire et dévoreur de la vie des autres : j'écoute les conversations dans les rues, dans les lieux publics, je me demande un peu ce que cette fille à la fenêtre est en train de ressentir, si elle souffre ou si elle est heureuse... Mais d'un autre côté, je suis presque aussi friand vampire des arbres, des maisons, des rochers, des tempêtes... que du sang et du corps, des mémoires, des contradictions et des désirs des êtres humains. Le monde quotidien me questionne beaucoup. Je connais furieusement ce désir sensuel, de possession et d'interrogation des lieux et des objets du monde extérieur. De sorte que je n'arrive pas tellement à faire de distinction entre une attitude documentaire et une attitude disons "affabulatrice". »

« Toutes les histoires de mon enfance constituaient des débuts de fictions plus extraordinaires les unes que les autres. Et elles ont continué à me hanter, je n'ai jamais pu les chasser de ma tête. Parce que ce sont des histoires sanglantes et extrêmes qui dépassent les normes admises, complètement démesurées, à la fois amorales et très populaires, qui flottaient sans cesse dans la conversation des gens que j'épiais dans mon enfance. »

« C'est à Lisbonne, à la faculté de droit, que j'ai baigné pour la première fois dans une ambiance cinéphile. Des amis partaient à Paris en stop, voyaient quatre ou cinq films et revenaient nous les raconter... C'était la grande époque de la cinéphilie. C'est à l'Idhec que j'ai découvert Mizoguchi et rencontré des cinéastes japonais de passage à Paris pour des rétrospectives. C'est aussi à Paris que j'ai commencé à apprendre le japonais. J'ai eu une chance énorme de rencontrer sur quelques années les films de Renoir, Mizoguchi, Oliveira, Lang, Dreyer, et ceux de la Nouvelle Vague. »

« Que telle ombre sur un mur, tel espace renfermé, tel accord de couleurs puissent me renvoyer à l'univers des formes, cela me conforte dans mes choix. Pourquoi je mets la caméra là, en plongée, en contreplongée, ne devient clair que très lentement, grâce au jeu des acteurs, au hasard d'une lumière. Ce n'est jamais à cause d'un point de vue préétabli, d'un mouvement affectif collectif, d'une mode. C'est une vérité non absolue, simplement, le plus probable au moment où je tourne. Si la réalité des expériences donne une autre version de la réalité, alors je m'adapte. Je filme au fond les questions et les interrogations que je pose au monde, et le monde influe sur les réponses que je trouve. »

Paulo Rocha


Citations extraites d'entretiens avec Paulo Rocha parus dans « Une certaine idée du cinéma / Cineluso » (1998), Cahiers du cinéma (janvier et novembre 1999) et Les Inrockuptibles (janvier 1999).

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