Le tour du monde sans le vouloir

Portrait de Fernand de Magellan. Wikipedia.
Le voyage de Magellan, terminé sous le commandement d'Elcano. Mappemonde de Battista Agnese. Wikipedia.
5e centenaire du voyage de Magellan
L’historien Luís Filipe Thomaz affirme, dans son dernier ouvrage, que Fernão Magalhães « n’a jamais pensé faire le tour du monde ».

Le chercheur, qui a coordonné l’Institut d’Etudes Orientales de l’Universidade Católica, de 2002 à 2011, a publié un livre qui se divise en deux essais : O Drama de Magalhães e a Volta ao Mundo sem Querer et Um Museu dos Descobrimentos Poque Não?, aux éditions Gradiva.

Concernant le Museu dos Descobrimentos, l’historien déclare qu’un musée vaut par ce qu’il contient et par la façon dont il l’expose : « organiser un musée ne signifie pas approuver moralement ce qu’on y présente, il existe des musées sur l’Inquisition, à Carthagène des Indes, en Colombie, et sur la terreur des Khmers rouges, au Cambodge ». Le chercheur fait aussi référence à la muséalisation du camp de concentration, construit par le régime nazi, à Auschwitz.

« La Commission pour les Commémorations des Découvertes Portugaises a fonctionné durant plus de dix ans et personne n’a protesté, peut-être parce que la Commission distribuait une profusion de soutiens à des projets, de bourses d’études et autres subventions, et il n’était pas judicieux de taquiner la poule qui pondait de tels œufs d’or… ».

L’historien n’aime pas le terme Museu das Descobertas car Descobertas est un gallicisme et renvoie à la passivité de la chose trouvée, contrairement à Descobrimentos qui est un nomen actionis, actif et interactif ». Pour cette raison il défend un Museu dos Descobrimentos.

« Si les Portugais ont pu durant le court espace d’approximativement un siècle explorer l’Atlantique, du Groenland à l’île de Tristão da Cunha, et encore l’océan Indien et les mers adjacentes, c’est parce qu’ils possédaient une technologie et un art de la navigation adéquats, fruit de l’assimilation de l’héritage de civilisations plus anciennes, des Grecs aux Arabes, Juifs, Normands et même Chinois ».

Les Portugais, poursuit l’historien, « n’ont pas inauguré le Paradis sur Terre, mais ils ont donné origine au monde moderne tel que nous le connaissons, avec ses défauts et ses qualités inhérentes à toute construction humaine. Comme toutes les transformations historiques, les Descobrimentos ont apporté des souffrances à beaucoup de monde, à travers des effets secondaires qui vont de l’intensification de l’esclavage à la transmission de la syphilis américaine dans le vieux monde et la variole dans le nouveau ».

Pour le chercheur, « un Museu dos Descobrimentos, à Lisbonne, conçu en connaissance de cause et sans exagérations nationalistes, servirait pour montrer à ceux qui nous visitent que, avant de nous être réduits ou que l’on nous ait réduits à une simple banlieue de l’Europe, nous étions plus qu’une Nation de pâtissiers et par conséquent notre rôle dans l’Histoire Universelle ne se limite pas à faire des pastéis de nata, pour régaler autochtones et touristes… ».

Quant au voyage de circumnavigation commencé par Magellan, il y a 500 ans, selon l’historien, « il a eu lieu uniquement parce qu’il a péri au cours du voyage qu’il projetait » et en revenant par la route du cap de Bonne Espérance, contrôlée par les Portugais, la nef Victoria, l’unique survivante des cinq navires partis du Sud de l’Espagne, a effectué le voyage du tour du monde qui n’a pas été son mérite, ni celui de prouver la sphéricité du globe terrestre, « en son temps connue depuis 2000 ans, puisque affirmée par Pythagore ». Le mérite du navigateur portugais, au service de la couronne espagnole, a été « d’avoir traversé à sa première tentative l’immensité de l’océan Pacifique, jusque-là inexploré ».

« Le voyage était destiné à prouver que les îles Moluques ne relevaient pas de la zone réservée au Portugal par le traité de Tordesillas, signé entre Portugais et Castillans en 1494, qui a divisé le monde en deux hémisphères de domination des mers et terres découvertes, entre les deux royaumes », explique Luís Filipe Thomaz, ajoutant que le roi d’Espagne, Charles I, avait interdit, dans le contrat célébré avec le navigateur portugais, de rentrer dans l’espace sous domination portugaise, mais cela a pu être possible car, sur le chemin du retour – une fois Magellan décédé – le contrat ne tenait plus.