Otelo est mort

Otelo Saraiva de Carvalho. Photo Paulo Novais.
Otelo Saraiva de Carvalho, le stratège de la Révolution du 25 Avril, est décédé aujourd’hui [25/07/2021], à l’Hôpital Militaire de Lisbonne, à quelques jours de fêter son 85e anniversaire.

Né le 31 août 1936 à Lourenço Marques [aujourd’hui Maputo], au Mozambique, Otelo Nuno Romão Saraiva de Carvalho est entré à l’Ecole Militaire à 19 ans et débute sa carrière dans les années soixante. Durant la guerre coloniale, il croisera un certain général Spínola en Guinée-Bissau, qu’il retrouvera après le 25 avril.

Cette formation militaire a eu beaucoup d’influence dans sa vie, comme il l’a affirmé à plusieurs occasions dans des interviews, s’assumant “anticonformiste, généreux, impulsif et spectaculaire ».

Dans le Mouvement des Forces Armées (MFA), il a été l’instigateur du coup d’Etat militaire qui a culminé avec l’encerclement du Largo do Carmo, à Lisbonne, renversant la dictature : à l’aube du 25 avril 1974, à partir du quartier de la Pontinha, à Lisbonne, Otelo dirige les opérations militaires qui vont mettre fin au régime fasciste, devenant l’un des symboles de la Révolution des Œillets. Il a revendiqué le choix de Grandôla, la chanson de José Afonso, comme code pour le coup d’Etat.
« Cela aurait pu avoir été Venham mais cinco ou Traz outro amigo também, mais on a fini par choisir Grandôla parce que les autres titres étaient à l’index de la censure », a-t-il rappelé au cours d’un entretien à l’agence Lusa, où il a également évoqué l’amitié qui le liait à Zeca Afonso, le chanteur qui le soutiendra lors des présidentielles de 1976.

Après le 25 avril, il dirigera le Commandement Opérationnel du Continent (COPCON) durant le Processus Révolutionnaire en Cours (PREC).

La tentative de coup d’Etat du 25 novembre 1975, le mènera aux arrêts durant 44 jours au quartier militaire de Santarém.

Associé à la gauche militaire, plus radical, il sera candidat à la présidentielle de 1976, soutenu par des organisations populaires. Ramalho Eanes sera élu, mais Otelo obtiendra 16 % des votes, faisant mieux que le candidat du PC. En 1980, il créera le parti Força de Unidade Popular (FUP), qui prônait un socialisme de la base, participatif. Il sera dissout en 2004.

Malheureusement, dans les années 1980, son nom apparait associé aux Forces Populaires 25 Avril (FP-25 de Abril), une organisation armée responsable de dizaines d’attentats et de 14 morts. Il sera condamné à 15 ans de prison en 1986 pour association terroriste.

Distingué en 1983 de l’Ordre de la Liberté par le président Ramalho Eanes, il sera emprisonné le 20 juin de l’année suivante dans l’affaire du FP-25 de Abril. En mai 1987, après un procès de près de deux années qui a mobilisé et divisé l’opinion publique au Portugal et à l’étranger, sa peine est aggravée : 19 ans de prison. S’en suivra une longue bataille juridique et politique au cours de laquelle il ne cessera jamais de clamer son innocence.

Il finira par être amnistié, continuant à rejeter toute culpabilité et réclamera l’amnistie générale pour l’ensemble des condamnés, qui sera approuvée par le Parlement en 1996, au sein d’une grande polémique.

Se qualifiant d’anticonformiste et impulsif, il dit avoir bu « jusqu’à la lie le calice amer de l’injustice », en allusion au procès FP-25, qui lui avait valu cinq années de prison.