Corps Expéditionnaire Portugais : un désastre politique

La marche des troupes vers les quais du port de Lisbonne pour l’embarquement en direction de Brest. Beaucoup n'en reviendront jamais. Photo Joshua Benoliel.
Selon l’historien António José Telo la participation du Corps Expéditionnaire Portugais (CEP) à la Première Guerre mondiale a été un désastre politique : les troupes portugaises en France ont été abandonnées par Lisbonne et sacrifiées par l’Angleterre.

Pour l’historien portugais, le CEP a été imposé à l’armée britannique qui avait des doutes quant à une force militaire qu’elle considérait comme « une foule indisciplinée », et avait reporté successivement l’attribution aux Portugais d’un secteur sur le front.

« Les militaires britanniques ont très peur de ce Corps Expéditionnaire Portugais. Ils n’acceptent pas l’idée de leur donner un secteur aux avant-postes qui puisse être attaqué en force par l’ennemi car ils craignent qu’il soit défait et que s’ouvre une brèche, ce qui était le grand cauchemar depuis le début de la guerre de tranchées », explique António José Telo.

Le CEP finit par obtenir un secteur, en octobre 1917, tandis que l’Angleterre ne cachait pas ses craintes de voir les Portugais ne pas résister aux attaques allemandes et prévoyait de les retirer du front dès le printemps.

« L’attaque de l’ennemi a eu lieu précisément le jour où la seconde division portugaise devait être remplacée, elle est toujours là-bas. Tout indique que l’Angleterre, soupçonnant fortement que l’Allemagne allait attaquer ce secteur, le 9 avril, ne le dit pas au Portugal et place ses réserves derrière le secteur portugais », affirme l’historien, qui parle d’une situation empoisonnée créée par les radicaux (*) contre les militaires portugais et contre l’opinion des soldats britanniques qui ont sacrifié le CEP pour résister au choc d’une attaque attendue ».

António José Telo met en exergue le sentiment d’abandon qui prévalait parmi les militaires portugais, surtout les officiers, qui ne croyaient pas en cette guerre comme un projet national, mais comme un projet radical avec lequel ils n’étaient pas d’accord.

« Personne n’a aidé les Portugais en première ligne, ils ont résisté seuls au choc d’une force au moins trois fois supérieure, motivée, bien entraînée et bien armée. Les Portugais étaient très mal équipés, n’avaient pas d’artillerie lourde, n’étaient pas habillés pour l’hiver français », poursuit l’historien, pour qui toute la participation portugaise en France a été un désastre politique.

« Les militaires disaient à haute voix que l’ennemi était à Lisbonne », ajoute António José Telo.

En Afrique aussi, notamment au Mozambique, la participation militaire portugaise a été, selon le professeur de l’Académie militaire, « un désastre absolu » avec la désignation pour des « raisons politiques » des « pires commandants ».

« Ce qui est arrivé au Mozambique est encore aujourd’hui une immense honte pour l’institution militaire portugaise. On meurt par incompétence, par négligence, on meurt de maladie. Au Mozambique il y a davantage de morts qu’en France, mais plus de 95 % le sont pour cause de maladies parfaitement évitables », affirme l’historien, qui évoque une « machine militaire rigide et désorganisée », où se propage la corruption, et qui a fini écartée par les forces britanniques.

« Beaucoup des médicaments donnés aux soldats contre les maladies tropicales étaient de la farine, c’est pourquoi ils tombaient malades. C’est cette corruption, cette incompétence et incapacité à s’adapter qui provoque le désastre au Mozambique », conclut António José Telo.

Lors de la Première Guerre mondiale, le Portugal s'est engagé avec près de 100 000 hommes au côté des alliés, en France (1917-1918), en Angola (1914-1915) et au Mozambique (1914-1918).


(*) Selon la thèse de l’historien, le Portugal est entré dans la Grande Guerre sous la pression d’un « petit groupe radical » de républicains, le Partido Democrático, qui a forcé l’intégration des militaires portugais contre la volonté des Anglais et non pas à la demande de ces derniers, comme il est habituellement admis, dans le but de renforcer son pouvoir politique en surgissant comme un mouvement patriotique.